vendredi 27 mars 2009

Eloge de la bouteille (pour s'amuser)

La tenir fermement de la main droite par son col élancé, Ah l’ampulla, avec la gauche remonter lentement vers sa panse bombée et lisse jusqu'à son cul bien plat .C’est qu’elle sait se tenir droite la transparente ; qu’elle nous allèche, joue des épaules, nous apitoie avec son beau liquide tiré directement de la lie. Et j’y mets mes lèvres, je l’enrobe, je la tète la bourrache, la ferrière, la guedoufle, la semaise, la chartreuse, la bourgogne et je ne suis pas verrier. A trois, rendez-vous compte, ils en soufflaient six cents ; six cents ventrues qui allaient tendre leurs cous aux canettes rougies des fillettes d’en bas. De baise point, juste à gorge déployée pour pousser la chanson « de la bouteille que prends-tu ? Le goulot c’est trop pointu. Moi vers le centre je me concentre. Levant le ventre ou bien le cul … » Une femelle tout en mâle, qui sait déjouer les séductions, met de la courbe en pleine droite, fausse la vue de qui l’absorbe. Une machine à loucher, à rapprocher les lignes, à tordre les arrivées. Roupnel la voyait raviveuse de feu, capteuse silencieuse des flammes dont l’automne versait les torrents. La bouteille, ma bouteille, elle est comme la bourgogne, le contraire d’une barrière, elle unit beaucoup plus qu’elle sépare. Mais des tranchées Apollinaire, le contradicteur, la brandissait face aux casques pointus et hurlait qu’il n’y avait qu’elle pour mettre tant de différence entre nous et les Boches ! Bouteille, bouteille enfûtée, soutirée, entonnée, pipée qui fait écrire certains, chuter de plus nombreux ; bouteille qui prend, bouteille qui mord, qu’on paye, qu’on aime, qu’on vénère . Flasque très vite vénéneuse qui vous poche un homme plus qu’il ne le cuit, conditionneuse des amateurs de petits fonds, fla-fla des tralalas, abatteuse des chichis, décolleuse des terriens, revigoreuse de pampres , dégrappeuse d’essaims ; bouteille qui tire à elle, essarte nos intérieurs comme une passion dévorante, as-tu un frein quelque part ? Boutiquier, bouteiller, bouteillon sous bonne garde de l’échanson qui fait un bon caviste, un maître de chais ensommelier et une encore qu’on dépucelle. Y’a du boulot sous le goulot ! On pousse de la voix, fait du chemin, explore les rocades, foule le ciel, redescend à contre-voie jusqu’aux petites portes du cerveau laissé là sur le carreau. Ca goulotte, ça rigole et ça sans gravité. Bouteille pour le porteur, bouteille au fossoyeur, bouteille au vin d’honneur, tout se goutte en canon, mariage , rondes et bosses . Bouteille enguirlandée pour demander ta main, cul suspendu pour mon retour demain. Dépendu, dépendant le soldat la sabre, l’explose, la rince, l’assèche en criant : encore une que les Prussiens n’auront pas ! Tout ça pour finir à l’hospice brûlé, dégouloté, saoul de souvenirs d’ivresses à peine passées où trinque encore la bouteille qui tchine et tinte sans fin des retrouvailles merveilleuses à goût de relevailles.
Depuis ce sable solidifié au contenu solaire venu du centre de la terre les rocs se dissolvent en torrents de rires, de joies et de pleurs ; la bouteille a pris racine en nous, elle a beaucoup aidé à nous faire homme, simples hommes parmi les simples. Au dessous du goulot se taste la vie des ci-redevants : via, verita, vite.

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