vendredi 27 mars 2009

Pour une écologie politique : l'oeuvre de Serge Moscovici

Serge Moscovici constate que lorsqu’on établit un rapport à la nature, on le choisit.
Partant de là, il montre que le principe de l’histoire humaine de la nature joue et continue de jouer un rôle moteur qui se manifeste directement dans l’histoire sociale et qu’on ne peut envisager l’organisation d’une société indépendamment de l’organisation des individus .Lorsqu’on fait sa culture, sa société, on organise en même temps son rapport au reste du monde, relève-t-il, insistant pour dire que toute notre connaissance n’est pas extérieure à nous, à notre nature et à la nature, que ce que nous faisons et ce dont nous parlons, c’est le rapport dans lequel nous nous trouvons dans un certain lieu et à un certain moment dans la nature.
L’objectif n’est pas de mettre la nature à la place de la société ni même de « naturaliser » notre civilisation, mais d’élargir l’horizon de notre vie et de notre monde, de retrouver les deux foyers de l’humanité que sont la société et la nature. Il s’agit de libérer la nature comme coupe-feu à cette obsession des temps modernes qui depuis le XIXe siècle cherche à désenchanter la nature, à l’isoler, à faire comme si nous n’avions pas grand-chose de commun avec elle.
Pour Moscovici la véritable place des mouvement naturalistes ne se trouve ni du seul côté de la nature, ni du seul côté de la société, mais dans la transformation d’une pensée et d’un mode de vie où nature et société sont mises sur le même plan ; Il s’agit d’inventer une culture nouvelle qui soit adéquate à l’humanité, qui tienne compte de l’obligation et nécessaire équilibre nature et société. Il se propose d’adapter les hommes à la nature par le biais de la création de la nature, nature qui ne se modèle pas sur celle qui existe, mais sur celle que nous faisons exister par la recherche de « plus de vie ». Ce mouvement se propose de réenraciner les savoirs dans une autre forme de vie et d’accompagner cette « nature cybernétique » annoncée dans les années 1970 qui est désormais nôtre, afin, selon ses termes, de « réoccuper la société » en la rapprochant de nous et en prenant en compte la question naturelle. Il y voit la conviction « qu’il nous faut modifier notre pensée de l’intérieur en secouant les habitudes de rationalité invétérées, transformer la forme des idées dans les sciences, les techniques, le sens commun, les arts, supprimer la censure de nos élans et de nos existences et regarder autrement notre existence sur cette terre à long terme (…) Oser être, nous situer et espérer en la plénitude d’un homme-homme.»( Métailié,2002, p.82)
Il estime qu’aujourd’hui il faut stimuler la pensée pour approfondir l’inspiration originale de l’écologie, que la création d’une nouvelle forme de vie doit assurer une plus grande liberté dans la saisie de nos relations à la nature et à son histoire. Il pense que réenchanter le monde reste une pratique de la nature et que son moyen consiste à expérimenter de nouveaux modes pour faire exister une nouvelle forme de vie. Il nous invite à un élargissement d’une conscience écologique et politique, avec en perspective forte et fondamentale que l’écologie, en opérant une révolution de la science et des consciences, s’imposera comme une culture véritable, qu’il n’y a aucun doute que la nature fait nécessairement partie de toute culture à venir et que « la question naturelle » est la question politique du XXI e.
Le « naturalisme subversif » de Moscovici a eut une influence importante auprès d’un certain nombre d’intellectuels. Je pense à Prigogine, prix Nobel de physique, et Isabelle Stengers qui dans « La nouvelle alliance » considérèrent l’importance de ses propositions de réintroduire la science dans la nature et de prendre en compte cette « nouvelle nature » que les hommes engendrent sans cesse. Habermas qui, réfléchissant a l’ « Après Marx » trouva lui aussi chez Moscovici de quoi réfléchir autour de l’histoire humaine dans la nature, notamment pour ce qui concerne une nouvelle perspective dans l’analyse des forces productives qui infléchissent l’ histoire. La liste est longue des penseurs qui trouvèrent dans son œuvre de quoi ressourcer leur pensée comme son contemporain et ami Edgar Morin qui dans « Le paradigme perdu : la nature humaine », s’en inspira pour dénoncer la pensée contre-nature.

Pour connaître l’œuvre anthropo-écologiste de Serge Moscovci voir :
MOSCOVICI (S), Essai sur l’histoire humaine de la nature , Paris, Flammarion, 1968, ,
MOSCOVICI (S), La Société contre nature , Paris, UGE, 1972/ Point 2000) ,
MOSCOVICI (S), Hommes domestiques et hommes sauvages, Paris,UGE, 1974 MOSCOVICI (S), De la nature, pour penser l’écologie, préface de Pascal Dibie, Paris, Métailié , 2002
MOSCOVICI (S) , DIBIE (P), Réenchanter la nature , La Tour d’Aigles, Aube 2002
DIBIE (P), « une sauvage anthropologie de la modernité », in mélanges offerts en l’honneur de Serge Moscovici Penser la vie, le social, la nature, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2001
DIBIE (P), « Serge Moscovici et la question naturelle » in Le journal des psychologues, Hors série Moscovici, novembre 2003
DIBIE (P), « Serge Moscovici », in Dictionnaire des intellectuels français sous la direction de J. Julliard et M.Winock, Paris, Le Seuil, 1996
DIBIE (P), Film : Serge Moscovici I- Itinéraire intellectuel, II- La question naturelle,
2X 52’,Paris, Laboratoire d’Anthropologie Visuelle du Monde Contemporain-URMIS/ Métis Film, 2008

Eloge de la bouteille (pour s'amuser)

La tenir fermement de la main droite par son col élancé, Ah l’ampulla, avec la gauche remonter lentement vers sa panse bombée et lisse jusqu'à son cul bien plat .C’est qu’elle sait se tenir droite la transparente ; qu’elle nous allèche, joue des épaules, nous apitoie avec son beau liquide tiré directement de la lie. Et j’y mets mes lèvres, je l’enrobe, je la tète la bourrache, la ferrière, la guedoufle, la semaise, la chartreuse, la bourgogne et je ne suis pas verrier. A trois, rendez-vous compte, ils en soufflaient six cents ; six cents ventrues qui allaient tendre leurs cous aux canettes rougies des fillettes d’en bas. De baise point, juste à gorge déployée pour pousser la chanson « de la bouteille que prends-tu ? Le goulot c’est trop pointu. Moi vers le centre je me concentre. Levant le ventre ou bien le cul … » Une femelle tout en mâle, qui sait déjouer les séductions, met de la courbe en pleine droite, fausse la vue de qui l’absorbe. Une machine à loucher, à rapprocher les lignes, à tordre les arrivées. Roupnel la voyait raviveuse de feu, capteuse silencieuse des flammes dont l’automne versait les torrents. La bouteille, ma bouteille, elle est comme la bourgogne, le contraire d’une barrière, elle unit beaucoup plus qu’elle sépare. Mais des tranchées Apollinaire, le contradicteur, la brandissait face aux casques pointus et hurlait qu’il n’y avait qu’elle pour mettre tant de différence entre nous et les Boches ! Bouteille, bouteille enfûtée, soutirée, entonnée, pipée qui fait écrire certains, chuter de plus nombreux ; bouteille qui prend, bouteille qui mord, qu’on paye, qu’on aime, qu’on vénère . Flasque très vite vénéneuse qui vous poche un homme plus qu’il ne le cuit, conditionneuse des amateurs de petits fonds, fla-fla des tralalas, abatteuse des chichis, décolleuse des terriens, revigoreuse de pampres , dégrappeuse d’essaims ; bouteille qui tire à elle, essarte nos intérieurs comme une passion dévorante, as-tu un frein quelque part ? Boutiquier, bouteiller, bouteillon sous bonne garde de l’échanson qui fait un bon caviste, un maître de chais ensommelier et une encore qu’on dépucelle. Y’a du boulot sous le goulot ! On pousse de la voix, fait du chemin, explore les rocades, foule le ciel, redescend à contre-voie jusqu’aux petites portes du cerveau laissé là sur le carreau. Ca goulotte, ça rigole et ça sans gravité. Bouteille pour le porteur, bouteille au fossoyeur, bouteille au vin d’honneur, tout se goutte en canon, mariage , rondes et bosses . Bouteille enguirlandée pour demander ta main, cul suspendu pour mon retour demain. Dépendu, dépendant le soldat la sabre, l’explose, la rince, l’assèche en criant : encore une que les Prussiens n’auront pas ! Tout ça pour finir à l’hospice brûlé, dégouloté, saoul de souvenirs d’ivresses à peine passées où trinque encore la bouteille qui tchine et tinte sans fin des retrouvailles merveilleuses à goût de relevailles.
Depuis ce sable solidifié au contenu solaire venu du centre de la terre les rocs se dissolvent en torrents de rires, de joies et de pleurs ; la bouteille a pris racine en nous, elle a beaucoup aidé à nous faire homme, simples hommes parmi les simples. Au dessous du goulot se taste la vie des ci-redevants : via, verita, vite.

jeudi 5 mars 2009

Ecologie : petit rappel

Je suis heureux de vous annoncer que la question écologique est en voie de résolution, qu’une préoccupation gouvernementale affichée existe et que toutes les dispositions vont être prises en France et par la France pour préparer notre « avenir écologique !.Pendant deux jours en effet, la « table ronde finale » du Grenelle de l’environnement commencée en juillet s’est tenue les 24 et 25 octobre 2007 au ministère de l’écologie à Paris. Le 24 octobre ont été abordés la politique climatique et la santé, le 25 l’agriculture, la biodiversité et la réforme des institutions. C’est ainsi qu’en quatre mois et deux jours on aurait étudié, exprimé, analyser, légiférer et régler les graves questions actuelles qui pèsent sur notre environnement…et tout cela sans rire - (Le monde 25 octobre 2007,p.8)- Bon , retournons à nos assiettes dans lesquelles les pesticides ne sont pas absents , loin s’en faut, alors buvons un coup , mais là aussi on nous annonce de fâcheuses doses bien au-delà de la limite maximale autorisée. (Si 95% des échantillons sont conformes à la réglementation , 5% dépassent cette limite (LMR), limite fondée sur la prise alimentaire estimée d’une personne , sans distinction d’âge ni d’habitudes alimentaires .Ajoutons que la France est le troisième utilisateur mondial de produits phytosanitaires . En fait le suivi des molécules est particulièrement difficile à faire, elles sont très nombreuses en effet et évoluent au rythme des innovations des firmes agronomiques. Il faut ajouter que les pesticides sont aussi présents dans l’air, dans les sols et dans les eaux et que l’empoisonnement chronique du milieu naturel est pour l’instant irrémédiable – (Le monde, 22 février 2006, p.23)- Veuillez m’excuser d’avoir une telle perception de la nature, ou plutôt de notre nature aujourd’hui , mais il est vrai qu’il est difficile de ne pas s’alarmer dans les circonstances actuelles où l’économique et le politique omni bullés par les échéances électorales font , pour une majorité je le crains, semblant de se préoccuper de notre environnement ; préoccupation qu’ils ont du mal a faire première, et pourtant il s’agit bien là de notre existence et non plus de notre vie mais de notre survie . Au-delà des formes politiques, le problème fondamental de l’être humain, comme être social, est bien de participer à ce à quoi il appartient. Il ne fait aucun doute aujourd’hui pour un anthropologue que le social est une donnée fondamentale dans le monde naturel qu’on ne peut plus négliger. Cela signifie que nous devons nous reposer la question de notre inscription, non pas uniquement dans la nature mais avec la nature. Nous20ne devons plus chercher une séparation, ce fameux moment où l’on serait passé du monde de la nature au monde de la culture ou au social ; nous ne pouvons plus faire comme si dans le monde de la nature il n’y avait pas de social. Nous sommes dans la nature depuis toujours, nous n’en sommes jamais sorti et n’avons donc pas besoin ni de nous en séparer, ni d’y retourner. On agit toujours par rapport à la nature, tout ce que l’on réalise du point de vue du savoir a nécessairement un rapport avec notre corps, au sens de la nature, et avec le monde dans lequel on vit. La nature n’est pas l’environnement, ni une sorte de boîte dans laquelle on est enfermé, elle est toujours un rapport. Il faut penser la nature comme une nature historique qui contiendrait l’homme en tant qu’un de ses facteurs déterminants, ne pas chercher systématiquement à séparer l’animal de l’homme ce qui revoient à ne pas tenir compte du fait que le monde animal est aussi un monde social, une façon de considérer que l’on n’a pas à expliquer l’apparition du social.
(à suivre…)